Une chambre lui était réservée à l’hôtel du Belvédère. Il devait se coucher tôt, car son service recommençait à quatre heures. En prenant son repas, il observa par la baie vitrée du restaurant, un peu au-delà du parking, une route qui montait dans les bois et qu’il n’avait encore jamais remarquée. Une barrière en condamnait le passage. En interrogeant la serveuse, Mathias apprit que la route menait à l’ancien monastère de Saint-Cannardy et que le site restait désaffecté depuis longtemps.

Germano Zullo

L’écrivarium

 « Du sel, du poivre, de la farine, du persil, du beurre… Du beurre nom de bleu !… Du vin blanc et du jus de citron. »

 Elle y retourna malgré tout clandestinement avec son petit frère d’abord : il ne poussait pas assez fort ; puis avec une camarade d’école : celle-ci ne prenait pas l’entreprise suffisamment au sérieux et préférait jouer au cirque en singeant les acrobates.

    Nous avons également pris la mesure que la vie n’était sans doute pas le résultat d’une force spécifique ni d’une substance aussi mystérieuse que surnaturelle. La vie ne semble être qu’une organisation particulièrement inventive de la matière, mais elle ne peut échapper aux lois de la physique. Le but d’un organisme vivant est donc d’occuper le plus de place possible. L’une des méthodes, très astucieuse, pour occuper le plus de place possible est de se reproduire.

    Deuxième vignette.

     Roberto continue son travail d’écriture.

   Au chevet du père, le fils écoute encore. 

   C’est d’abord un coin de misère celui-là et à cette heure, oublié de tous, non loin de la civilisation pourtant, il suffit de traverser une rue pour regarder passer les enfants qui vont à l’école. Et la guerre est partout. Elle est devant, elle est derrière. Elle est sur terre et dans le ciel. Elle est passé et futur.

 3. Les aquoibonistes

     Je ne me souviens plus comment je m’étais retrouvé là, un soir de juillet, chez ce chirurgien. Je me souviens que mon éditrice était aussi présente. C’est peut-être elle qui m’avait introduit. Le chirurgien se montrait très fier de pouvoir offrir ce repas hors du commun à ses invités. Je ne me souviens pas du menu, mais tout le monde poussait des ah et des oh d’admiration. C’était une soirée un peu branchée. La cuisine d’Aï était branchée. Je crois que le dessert était à base d’aubergine.

       Mais Sandrine ne parle plus. Elle attend la réponse. Je lui demande de reformuler la question. Sandrine et la transparence.

     Enfant, Madeleine avait fait ce rêve : elle était assise sur une balançoire et son grand-père la poussait dans le dos. « Plus fort ! criait-elle, encore plus fort ! » Son grand-père répondait : « Mais si je pousse trop fort, tu vas finir par t’envoler !

     – Oui, je veux m’envoler, je veux m’envoler ! » criait Madeleine.

     L’enquête sur les causes de l’échec de la mission Tharsis One est close. Les détails de l’enquête et ses conclusions seront rendus publics le 7 octobre prochain. Les preuves d’une défaillance grave et généralisée des fonctions de base du système de communication et de l’analyseur de données ont pu être apportées. Par ailleurs, l’équipage n’a pas su évaluer la situation avec adéquation. Il s’est laissé gagner par le stress et n’a pas respecté les procédures obligatoires de contrôles, de sécurités et d’urgences. Il a accumulé les erreurs de discernement et ainsi fortement aggravé la situation. L’équilibre hiérarchique au sein de l’équipage s’est ensuite fatalement dégradé, entraînant d’abord une interaction anarchique, puis un climat de psychose.

  Première planche





     Une vieille dame est assise dans un fauteuil.


     Rien à la télévision et rien à la fenêtre.

      Et si, formulé naïvement, nous avancions l’hypothèse que les forces primordiales de l’univers, la gravitationnelle, l’électromagnétique et la nucléaire, n’étaient que la conséquence d’une logique aussi implacable que terrifiante et à laquelle rien ni personne ne peut échapper, je dirais : le réflexe-territoire ?

      C’est avec ces mots qu’Anaclet escha au ver de terreau : « Quand Brigitte dit qu’il faudrait une fois pour voir les faire cuire à la vapeur sur un lit de courgettes, puis les relever d’un filet d’huile d’olive et d’une pincée d’herbes de Provence, je réponds niet, pas de Betty, ni de Bossi et encore moins de cuisine légère… J’t’en foutrais moi d’la vapeur, d’la papillote et autres fumisteries du même acabit !… La cuisine légère, c’est de l’invention de bureaucrates ! »

         Ils sont quinze. Ils vivent au fond d’une grotte. Ils sont nus. Ils se nourrissent de racines, de fruits, d’insectes, de reptiles, d’oiseaux et de petits mammifères. Ils boivent à la source qui jaillit au fond de la grotte. Ils entretiennent un feu à l’entrée de la grotte. Ils ont peur de l’extérieur et ne s’enfoncent jamais trop loin dans la forêt qui entoure la grotte.


© Germano Zullo